
Après le Big Bang, la nucléosynthèse a débuté au sein de la toute première génération d’étoiles formées dans l’Univers : les étoiles de population III, puis peu après les étoiles de population II. Lorsque ces étoiles de population III ont explosé en supernovæ, elles ont rejeté dans le milieu interstellaire des galaxies dans l’Univers primitif des « métaux » (tous les éléments plus lourds que l’hélium). Ces métaux se sont ensuite agrégés par coalescence pour former les premières particules de poussière.
La poussière représente une composante mineure à l’échelle cosmique, mais son rôle est majeur : elle absorbe le rayonnement ultraviolet (effet d’atténuation et de « rougissement ») et elle émet dans l’infrarouge (IR), ce qui en fait un agent de refroidissement crucial. L’énergie absorbée chauffe les grains de poussière, qui réémettent ensuite cette énergie à des longueurs d’onde infrarouges et sub-millimétriques.
Dans le milieu interstellaire (ISM), la poussière est également essentielle à la formation des étoiles de faible masse. Elle catalyse la formation de H2 à sa surface, condition nécessaire pour lancer la formation d’étoiles même à des températures relativement élevées. Par ailleurs, les collisions entre le gaz et les grains de poussière facilitent le refroidissement du gaz, surtout à haute densité, favorisant ainsi la fragmentation des nuages et l’émergence d’étoiles de faible masse.
Dans un article récent, Denis Burgarella du LAM et ses collaborateurs étudient la coévolution des métaux et de la poussière dans 173 galaxies situées à des redshifts 4,0 < z < 11,4, entre 300 millions et 1,6 milliards d’années après le Big Bang, observées en spectroscopie par le projet CEERS avec l’instrument NIRSpec sur le James Webb Space Telescope (JWST). L’équipe s’est plus particulièrement intéressés à un sous-échantillon de galaxies présentant une atténuation par la poussière extrêmement faible, afin de comprendre les processus physiques qui interviennent dans ces objets.
L’analyse révèle un groupe de 49 galaxies à très faible atténuation de poussière (des « GELDAs »), caractérisées par une faible masse stellaire et une extinction pratiquement nulle. Le spectre moyenné de ces GELDAs confirme l’absence quasi totale d’atténuation par la poussière.
De plus, la proportion de GELDAs est beaucoup plus élevée pour z ≳ 9 (83 % de l’échantillon total) que pour z ≲ 9 (26 %). Les GELDAs deviennent ainsi majoritaires dans l’Univers très jeune.
Dans le diagramme masse de poussière (M_dust) versus masse stellaire (M_star), on distingue deux séquences (une haute et une basse), reliées par des objets de transition. La comparaison avec des modèles théoriques suggère qu’il existe un point de transition critique autour de M_star ≃ 10^8,5 M_Soleil : en dessous, les galaxies sont dominées par la production de poussière par les étoiles, tandis qu’au-dessus, la croissance des grains par accrétion gaz-poussière dans l’ISM devient nécessaire.
Toutes les galaxies de l’étude, y compris les GELDAs à tous les redshifts, contiennent encore une grande quantité de gaz non expulsé et présentent une efficacité de formation stellaire relativement normale.
La population de GELDAs à grand redshift offre une explication naturelle à la tension apparente entre observations et modèles théoriques concernant la densité de population des galaxies lumineuses à z ≳ 9 par le JWST.
Vous pouvez vous informer sur ce résultat en visionnant une courte vidéo ici: https://youtu.be/52HEqs-G9GE
L’article « CEERS: Forging the First Dust Grains in the Universe? A Population of Galaxies with spectroscopically-derived Extremely Low Dust Attenuation (GELDA) at 4.0<z<11.4 » est disponible à ce lien.
Contact: Denis Burgarella