La queue de sodium neutre observée dans les comètes est complètement différente des queues d’ions et de poussières déjà connues. Comment le sodium neutre est-il éjecté du noyau de la comète ou des grains cométaires composés d’une large proportion de glace d’eau alors que l’on sait qu’il n’est pas stable dans l’eau liquide ? Plusieurs mécanismes s’appuyant sur des chocs entre les particules de poussière et la pression de radiation du vent solaire ont été proposés mais les observations suggèrent plutôt une désorption thermique.
Une équipe interdisciplinaire vient de proposer un scénario totalement différent basé sur un processus chimique. Partant du sodium piégé sous forme ionique dans les matériaux réfractaires au cours de la condensation de la nébuleuse protosolaire, les chercheurs ont suivi le cheminement chimique de l’ion sodium jusqu’à sa transformation en atome neutre au moment de la sublimation de la glace cométaire.
Des calculs d’équilibres thermochimiques montrent que le sodium est d’abord piégé dans les roches au cours du refroidissement de la nébuleuse protosolaire. Dans une seconde étape, les corps parents des comètes, composés initialement d’un conglomérat de roches et de glaces, subissent une altération significative due à la chaleur dégagée par la désintégration des éléments radioactifs de courtes périodes. Il s’en suit un lessivage des roches par l’eau ainsi formée avec transfert du sodium dans la phase aqueuse sous forme d’ion Na+. Lorsque la glace s’est reformée, l’ion sodium se retrouve dispersé dans des cages d’eau au sein du système cristallin. Les calculs de chimie quantique montrent que ce sodium retrouve progressivement une forme neutre au fur et à mesure que la sublimation des couches supérieures de la glace le rapproche de la surface. A la fin du processus, la couche superficielle est vaporisée, emportant avec elle le sodium sous forme neutre.
Ce scénario est le fruit d’un travail concerté entre équipes des deux instituts du CNRS (INSU et INC), et synchronisé avec la mission spatiale Rosetta/Philae sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko.
Référence
Y. Ellinger(1), F. Pauzat(1), O. Mousis(2), A. Guilbert-Lepoutre(3), F. Leblanc(4), M. Ali-Dib(3), M. Doronin(1), E. Zicler(1) et A. Doressoundiram(5)
Neutral Na in cometary tails as a remnant of early aqueous alteration
The Astrophysical Journal letters 12 mars 2015
- Laboratoire de chimie théorique, Sorbonne Universités, Univ Paris 06, CNRS/INC
- Laboratoire d’astrophysique de Marseille, Aix Marseille Université, CNRS/INSU
- Institut UTINAM, Université de Franche-Comté, CNRS/INSU
- LATMOS/ IPSL, Sorbonne Universités, Université Paris 06, CNRS/INSU
- LESIA, Observatoire de Paris, Sorbonne Universités, Université Paris 06, CNRS/INSU
Contacts chercheurs
Yves Ellinger, Laboratoire de chimie théorique – Paris
Courriel : ellinger@lct.jussieu.fr
Olivier Mousis, Laboratoire d’astrophysique de Marseille
Courriel : olivier.mousis@lam.fr