Le scénario dominant de la formation des satellites Galiléens suggère l’existence d’un disque gazeux autour de Jupiter, qui est apparu à la fin de sa formation, et dont la température et la densité diminuaient avec la distance croissante à la planète. Dans ces conditions, les objets formés proches de Jupiter ont été dépourvus d’eau car cette molécule ne pouvait condenser et être agglomérée par les satellites au cours de leur formation. C’est le cas de la lune Io, le satellite galiléen orbitant le plus proche de Jupiter. Au contraire, loin de Jupiter, l’eau s’est condensée et les satellites ont pu se former efficacement à partir de roches et de glace d’eau en proportions égales. Cette vision est cohérente avec la composition de Ganymède et Callisto, les satellites galiléens les plus éloignés de Jupiter, qui sont tous deux constitués d’environ 50 % d’eau en masse. La composition de la lune Europe, constituée de seulement 8 % d’eau, ne peut être simplement expliquée dans ce contexte.
Pour étudier l’origine de cette teneur en eau particulière, l’équipe de chercheur Marseillais a développé un modèle numérique permettant de suivre la position et la composition de particules solides de différentes tailles dans le disque gazeux alors que celles-ci évoluent sous l’effet de l’attraction de Jupiter, des forces de frictions avec le gaz du disque, de la turbulence dans le disque et du chauffage qui entraîne la sublimation de la glace. Les particules ayant une taille comprise entre environ 1 cm et 1 m ont tendance à migrer rapidement vers Jupiter sous l’effet des forces de friction. De ce fait, les particules de cette taille se trouvant initialement dans les régions éloignées de Jupiter et contenant de la glace d’eau sont chauffées à mesure qu’elles se rapprochent des régions internes du disque plus chaudes. La glace d’eau qu’elles contiennent est alors graduellement sublimée et leur composition varie de glacée à rocheuse en se rapprochant de Jupiter. Les particules de cette taille peuvent être efficacement accrétées par des objets plus massifs et sont donc d’excellents candidats pour expliquer la composition d’Europe. Cette lune a en effet pu grossir à partir de tels solides qui avaient partiellement perdu leur eau, ce qui expliquerait sa composition particulière.
Les résultats acquis par l’équipe Marseillaise permettent de mieux comprendre les mécanismes de formation des satellites de Jupiter et de contraindre la taille de leurs briques élémentaires, une étape importante pour dévoiler leur origine. Ce mécanisme de formation, ne reposant pas sur des conditions très spécifiques hormis la taille des solides, pourrait avoir mené à la formation de lunes similaires à Europe en dehors de notre système solaire.
Source(s) :
Pebble Accretion at the Origin of Water in Europa. Thomas Ronnet, Olivier Mousis & Pierre Vernazza. The Astrophysical Journal, Volume 845, Issue 2, article id. 92, 11 pp. (2017).
Contact(s) :
• Thomas Ronnet (thomas.ronnet .at. lam.fr), 04 91 05 59 60
• Olivier Mousis (olivier.mousis .at. lam.fr), 04 91 05 59 18
• Pierre Vernazza (pierre.vernazza .at. lam.fr), 04 91 05 59 11